Il est très actif sur les réseaux sociaux et il suscite des débats autour des sujets brûlants de l’actualité sociopolitique et économique de notre pays. M. Aimé Stéphane Mansaré puisqu’il s’agit de lui, est sociologue de formation et expert-consultant en développement. Dans cette deuxième partie de l’interview qu’il a bien voulu nous accorder, nous parlons entre autres de la publication de la liste des promoteurs du changement constitutionnel par le front national pour la défense de la constitution (FNDC) ainsi que du paradoxe qui fait de la Guinée forestière la région la plus pauvres du pays en dépit des immenses potentialités dont elle regorge. Lisez plutôt…

Kibaro224.com: Aujourd’hui, le FNDC est entrain de lister les promoteurs du troisième mandat et envoyer à la CPI. En tant que connaisseur des relations internationales et des institutions, est-ce qu’un mouvement ou un groupe de personnes peut saisir directement la CPI ?

M. Mansaré : En terme d’information je dirai oui! Car la première liste expédiée a reçu l’accusé de réception de la part de l’institution, mais à dire que cela suffit pour déclencher le processus de poursuite par le procureur , c’est comme prendre ses rêves pour une réalité.
En réalité la mesure est comme un couteau à double tranchant car, en cas de troubles ciblés qui auraient occasionné la commission de crimes contre l’humanité, le simple fait de signaler des personnes à la CPI ne vous disculpe pas des crimes commis quand votre responsabilité arrivait à être située.
D’abord, les accusations devront être confronté aux dispositions de la constitution actuelle dont la polémique sur la lettre et l’esprit de certains articles invoqués par les uns et les autres n’est pas tranchée.
J’estime personnellement qu’il ya de l’amateurisme et de la précipitation dans cette affaire de liste car même certains membres pas des moindre se sont désolidarisés.
Avec le recule, ceux qui établissent ces listes pourraient être amenés à justifier le fondement des accusations portées sur de tiers.

Kibaro224.com: Parlons à présent, de la région forestière. Selon des études, cette région reste la plus pauvre du pays malgré les potentialités dont elle regorge. Comment pouvez-vous expliquer ce paradoxe en tant qu’expert en développement ?

M. Mansaré : Effectivement, depuis 2012 ( ELEP) l’Enquête Légère d’Evaluation de la Pauvreté réalisée par le ministère du plan avec l’appui financier et technique de certains partenaires a révélé que cette région qui était perçue comme la moins touchée par la pauvreté avec ses énormes potentialités était devenue en moins de 2 décennies, la Région la plus pauvre du pays avec une incidence de pauvreté évaluée depuis à 66,9% dépassant même la moyenne nationale de 53%.
Ce paradoxe s’explique par un ensemble systémique de phénomènes ayant engendré des attitudes et comportements qui ont eu des effets négatifs directes et indirectes sur les dynamiques individuelles et collectives de développement qui se sont vues complètement et partiellement ébranlées selon les endroits.
En plus des conséquences multisectorielles des différentes guerres qu’ont connu les 3 pays limitrophes de cette région notamment le Liberia, la Sierra Léone et la Cote d’ivoire avec l’hébergement des centaines de milliers de refugiés dans un désordre ayant négativement impacté sur l’environnement, les structures socioculturelles avec l’introduction d’attitudes et comportements aux effets négatifs sur les us et meurs, il ya aussi les différentes incursions rebelles que cette région a connu.
La région a également connu de nombreux conflits inter communautaires pour la plus part d’origine politique, foncière et identitaire qui ont chassé plusieurs investisseurs et en fin la Maladie à Virus EBOLA qui est venue aggraver cet ébranlement avancé des dynamiques de développement.
En dépit de multiples interventions et présence de nombreux partenaires au financement qui déroulent chacun des programmes et projets d’appui au développement, la situation initiale lamentable persiste et doit interpeller l’Etat pour que même l’assiette de répartition des investissement publiques en tienne compte.

Kibaro224.com: Comment renverser cette tendance ?

M. Mansaré : D’abord, il faut obligatoirement que la région se dote d’une planification stratégique et opérationnelle du développement assorti d’un programme de développement cohérent et harmonieux de l’ensemble des intervention en évitant au maximum le saupoudrage actuel des appuis c’est à dire la superposition désordonnée des interventions avec une forte appropriation de l’Etat et une capacité renforcée de suivi évaluation des interventions. Déjà, avec l’appui du PNUD la région est dotée du PPADD (Programme Prioritaire d’Appui au Développement Durable) dont la Table ronde des bailleurs de fonds pour la mobilisation des fonds se tiendra bientôt. Il faut du lobbying issu de l’engagement collectif de tous les acteurs. Ce programme est aligné sur tous les programmes indicatifs nationaux.
En suite, que l’Etat renforce sa capacité de suivre et de poursuivre les programmes après les périodes couvertes par les financements extérieurs.
Il faut également que les efforts de consolidation de la paix dans la région se poursuivent dans tous les sens et qu’en plus des programmes spécifiques initiés et financés par les PTF, l’Etat en initie sous son propre financement.

Kibaro224.com: Est-ce que la mauvaise répartition des revenus n’est pas aussi l’une des causes de cette situation ?

M. Mansaré : Bien sûr que oui car, en plus de tout ce que j’ai cité, l’Etat devra avoir la capacité et la responsabilité comme dans n’importe quel pays normal de programmer les investissements publics sur la base des niveaux de pauvreté de ses régions et non sur la base exclusive des dividendes politiques.

Kibaro224.com: Comment trouvez-vous la jeunesse guinéenne et celle de la forêt face aux défis du moment ?

M. Mansaré : Au regard des défis de développement à relever dans cette région, les jeunes qui représentent plus de la moitié de la population doivent davantage être des vrais acteurs de développement socioéconomiques de la région en ayant toute la capacité de mobiliser les ressources indispensables à leur autonomisation avec effets multiplicateurs positifs sur les secteurs vitaux de la région notamment toute la chaine agropastorale, l’environnement en dégradation avancée, la santé, l’éducation, la gouvernance et tous les autres secteurs vitaux.
Pour y arriver, il faut que le mouvement associatif soit redynamisé non pas pour de simples revendications politiques mais pour formuler et mettre en œuvre des projets et programmes de développement à traves une forte capacité de mobilisation des ressources.
Je déplore personnellement que cette région soit entrain de redevenir un champs d’expérimentation des revendications strictement politique au détriment revendications de développement économique et social.

Kibaro224.com: Monsieur Aimé Stéphane Mansaré merci d’avoir répondu à nos questions.

M. Mansaré : C’est moi qui vous remercie.

Entretien réalisé par Konaté